Le déclin de la lecture chez les jeunes : comprendre les tendances actuelles et proposer des solutions adaptées
Dans une ère dominée par les écrans et les distractions numériques, la lecture traditionnelle semble perdre peu à peu son attrait auprès des jeunes. L’étude récente du Centre National du Livre (CNL), menée en collaboration avec Ipsos, en avril 2024, met en lumière les défis auxquels sont confrontés les jeunes Français de 7 à 19 ans en matière de lecture. Malgré la présence croissante des écrans dans leur quotidien, il reste nécessaire d’encourager les jeunes à lire davantage, en tirant parti des nouvelles tendances pour améliorer leur expérience de lecture. Exxea, l’école à distance, se penche sur les conclusions de cette étude pour relever ce défi contemporain.
Les défis de l’engagement des jeunes lecteurs
La baisse de l’intérêt pour la lecture parmi les jeunes, qu’elle soit motivée par des exigences académiques ou professionnelles, est une réalité palpable, avec une diminution particulièrement marquée chez les adolescents âgés de 16 à 19 ans. Cette tendance s’accentue davantage dans un contexte où la lecture est perçue comme une obligation. En effet, une grande majorité des jeunes, soit 84%, admet lire pour répondre aux exigences scolaires, académiques ou professionnelles.
Le phénomène de décrochage en matière de lecture se manifeste dès l’adolescence, avec une chute significative de l’intérêt pour les lectures imposées, surtout à partir de 16 ans, et pour les lectures personnelles, dès l’âge de 10 à 12 ans, surtout chez les garçons. Parmi les jeunes qui lisent par nécessité, près de trois quarts ont parcouru moins de deux livres, voire aucun, au cours des trois derniers mois. Bien que cette proportion demeure stable par rapport à 2022, on observe une nette augmentation de cette catégorie de « petits lecteurs » ou « non-lecteurs » par rapport à 2016. Cette évolution soulève un défi majeur en matière de promotion de la lecture chez les jeunes, en particulier dans les contextes où la lecture est imposée ou perçue comme une contrainte.
Réinventer la lecture comme loisir
Face au déclin de la lecture comme loisir chez les jeunes, il faudrait réinventer cette pratique pour répondre aux nouveaux enjeux et attentes. Il est alarmant de constater que 35% des jeunes lecteurs estiment lire de moins en moins de livres depuis leur entrée au collège. Ces chiffres révèlent un défi majeur dans la promotion de la lecture comme un loisir attrayant et accessible pour tous les jeunes.
Les données de l’étude montrent une diminution de la fréquence de lecture, avec moins d’un tiers des jeunes lisant quotidiennement.
Bien que la durée moyenne de lecture continue d’être stable pour les lecteurs loisirs, avec une moyenne de 2 heures et 43 minutes par semaine, elle tend à diminuer chez certains groupes, notamment les garçons et les jeunes de 16 à 19 ans. Ces constats soulignent la nécessité de repenser les stratégies d’incitation à la lecture et d’adapter les contenus proposés aux intérêts et aux préférences des jeunes.
En matière de préférences de lecture, les bandes dessinées et les mangas continuent d’être les favoris incontestés des jeunes lecteurs, avec une augmentation notable par rapport aux années précédentes. Les romans, notamment ceux à connotation sentimentale ou amoureuse, conservent également une place importante dans leurs lectures de loisirs. Cependant, l’émergence de nouveaux genres comme la dark romance chez les 16-19 ans suggère une évolution des goûts et des attentes en matière de contenu littéraire.
En ce qui concerne les lieux de lecture, bien que la maison demeure le cadre privilégié pour la plupart des jeunes, les bibliothèques et les espaces publics sont également fréquentés. Ces observations mettent en lumière l’importance de diversifier les endroits de lecture et de rendre la pratique de la lecture plus accessible et attractive pour les jeunes, quel que soit leur environnement.
L’impact des écrans sur la lecture
L’impact des écrans sur la lecture est une préoccupation majeure, étant donné que les jeunes consacrent une part significative de leur temps à des activités numériques. En France, la moyenne quotidienne d’utilisation des écrans chez les jeunes atteint 3 heures et 11 minutes, mais ce chiffre augmente sensiblement chez les 16-19 ans, qui passent jusqu’à 5 heures et 10 minutes par jour devant des écrans, en dehors de leurs engagements éducatifs ou professionnels. Ainsi, les jeunes accordent chaque jour en moyenne dix fois plus de temps aux écrans qu’à la lecture, laquelle ne bénéficie que de 19 minutes en moyenne.
Par ailleurs, près de la moitié des jeunes lecteurs, soit environ 48% effectuent d’autres activités pendant leurs séances de lecture. Leur attention se divise entre l’envoi de messages, la visualisation de vidéos, l’usage des réseaux sociaux, les appels téléphoniques, les jeux vidéo, voire même l’écoute de podcasts. Cette réalité met en lumière les défis auxquels la lecture est confrontée dans un environnement numérique qui sollicite constamment l’attention.
Les nouvelles tendances de la lecture
Les livres numériques
La lecture numérique connaît une montée en popularité auprès des jeunes, avec près de la moitié d’entre eux ayant déjà exploré cette forme de lecture, ce qui marque une nette hausse par rapport aux années précédentes. Cette tendance est particulièrement remarquable parmi les amateurs de mangas, où également près de la moitié ont déjà opté pour la lecture numérique.
La lecture numérique sur smartphone s’impose comme la norme pour la plupart des jeunes, enregistrant une croissance significative. Cette progression est particulièrement notable chez les adolescents de 16 à 19 ans et chez les fans de mangas. En revanche, l’utilisation de la tablette pour la lecture numérique montre un déclin, tandis que l’usage de la liseuse reste relativement stable, choisie par environ un lecteur numérique sur cinq.
Malgré l’engouement croissant pour la lecture sur écran, les préférences restent mitigées. Alors que 57% des lecteurs numériques déclarent avoir un moment privilégié de lecture sur écran, cette pratique suscite des réactions contrastées. En effet, bien que trois quarts des lecteurs numériques apprécient cette forme de lecture, ceux qui ne l’ont pas encore essayée expriment une réticence notable, avec près de la moitié d’entre eux affirmant qu’ils n’aimeraient pas ou détesteraient lire sur écran.
Ces données mettent en évidence l’évolution des habitudes de lecture des jeunes vers le numérique, tout en soulignant les préférences et les réticences persistantes associées à cette transition.
L’essor des livres audio et des podcasts
L’engouement pour les livres audio et les podcasts ne cesse de croître parmi les jeunes, avec 42% d’entre eux ayant déjà expérimenté la lecture audio. Cette tendance à la hausse se confirme, puisque six jeunes sur dix ont déjà écouté un livre audio, représentant une augmentation significative par rapport à 2016, où l’écoute de livres audio a doublé.
Les livres audio sont particulièrement prisés par les enfants de moins de 10 ans, tandis que les adolescents à partir de 13 ans se tournent davantage vers les podcasts. Les moments privilégiés pour écouter des livres audio sont similaires à ceux de la lecture numérique, se concentrant principalement le soir avant le coucher ou pendant les vacances. Cependant, contrairement à la lecture numérique, les temps de pause ou de récréation semblent moins privilégiés pour ce format.
La majorité des auditeurs de livres audio déclarent avoir un moment préféré pour écouter, avec 60% d’entre eux identifiant un moment spécifique pour cette activité. Malgré cette appréciation, parmi ceux qui pratiquent l’écoute de livres audio, seul un quart des non-auditeurs envisagent cette pratique comme une option agréable. Cette réticence suggère qu’il reste des barrières à franchir pour convaincre ceux qui n’ont pas encore expérimenté cette forme de lecture sonore.
L’acquisition de livres : mieux comprendre le circuit
Les influenceurs de la recommandation de livres
Dans le processus de recommandation de livres, la famille demeure un acteur central, influençant les choix de lecture de plus de la moitié des lecteurs loisirs, particulièrement ceux de leurs parents. Cependant, un quart des jeunes préfèrent choisir leurs livres de manière autonome, tandis qu’un cinquième se tourne vers les conseils de leurs enseignants. Ces données soulignent l’importance des recommandations personnelles dans le processus de sélection des lectures.
Outre les conseils de la famille et des amis, les lecteurs loisirs se basent sur plusieurs critères pour choisir leurs livres :
- la couverture
- le protagoniste ou le résumé
- les adaptations cinématographiques
- les discussions en ligne
- Internet
- les réseaux sociaux
Il est également intéressant de noter qu’un tiers des lecteurs loisirs choisissent un livre après en avoir entendu parler sur Internet, et 10% ont déjà été influencés par une personnalité qu’ils suivent sur les réseaux sociaux.
L’utilisation des réseaux sociaux pour s’informer sur les livres est de plus en plus répandue parmi les lecteurs loisirs, avec YouTube comme première plateforme consultée, suivie de TikTok et Instagram. À travers cette utilisation des réseaux sociaux, les lecteurs loisirs souhaitent être au courant des nouvelles parutions, recevoir des conseils de lecture, consulter des avis sur des livres déjà lus, suivre leurs auteurs préférés, partager leurs propres avis et faire partie d’une communauté littéraire dynamique.
Par ailleurs, l’influence des réseaux sociaux sur les choix de lecture se renforce, avec une augmentation significative dans le choix des livres après en avoir entendu parler sur ces plateformes ou grâce à des influenceurs littéraires. De plus, la présence de séries ou de films adaptés de livres sur les plateformes de streaming stimule l’intérêt des lecteurs, avec 66% des lecteurs loisirs exprimant une envie de lire un livre après avoir visionné une adaptation. Ces tendances reflètent l’évolution des modes de recommandation de livres dans un paysage médiatique de plus en plus numérique et interactif.
Le comportement d’achat des lecteurs
Le comportement d’achat des jeunes lecteurs révèle leurs préférences en matière de lecture et les modes d’accès aux livres. Bien que la plupart des jeunes obtiennent leurs livres par l’achat, souvent par le biais de leurs parents, les cadeaux sont également une source significative d’acquisition.
Toutefois, on observe une diminution de la fréquence d’achat chez les jeunes, seulement 45% d’entre eux achetant des livres mensuellement, avec une baisse encore plus marquée chez les 16-19 ans, où seulement un tiers effectue des achats à cette fréquence. Cette tendance soulève des interrogations sur les moteurs d’achat des jeunes et sur les incitations nécessaires pour stimuler des achats plus réguliers.
Une autre tendance notable est l’augmentation de l’intérêt pour les livres d’occasion, avec plus de la moitié des jeunes les achetant exclusivement ou également en seconde main. Cette préférence peut être attribuée à des considérations économiques et environnementales.
Concernant les lieux d’achat, bien que les grandes surfaces culturelles demeurent populaires, les achats en ligne dépassent désormais les ventes en magasins physiques. Les librairies connaissent cependant un déclin, avec une baisse de 9 points par rapport à 2022, reflétant ainsi les changements dans les habitudes d’achat des jeunes.
Enfin, la fréquentation des bibliothèques reste élevée parmi les jeunes, avec 69% d’entre eux s’y rendant mensuellement, mettant en lumière le rôle continu de ces institutions dans l’accès à la lecture, en particulier pour les jeunes en milieu scolaire.
Face aux résultats de l’étude du CNL sur la lecture chez les jeunes Français, il est clair que des défis significatifs persistent dans la promotion de cette pratique auprès des nouvelles générations. La baisse de l’engagement dans la lecture régulière, en particulier chez les adolescents, souligne la nécessité de repenser les stratégies d’incitation à la lecture et d’adapter les contenus proposés aux intérêts et aux préférences des jeunes. Encourager les jeunes à lire davantage malgré les distractions numériques nécessite une approche holistique qui tienne compte des défis actuels tout en tirant parti des nouvelles tendances pour améliorer leur expérience de lecture. En tant qu’acteurs de l’éducation et de la promotion de la lecture, il est essentiel de continuer à innover et à adapter les stratégies pour susciter et maintenir l’intérêt des jeunes pour la lecture, garantissant ainsi l’accès à une source inestimable de savoir, d’imagination et de plaisir tout au long de leur vie.
Source : Les données et les infographies « Les jeunes Français et la lecture en 2024 » de la CNL.
Publié le 16 mai 2024
« L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa » de Romain Puértolas.
à 19 h
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